L’indépendance fantasmée de Didier Rykner
Récemment encore, Didier Rykner se vantait sur Twitter du « bonheur d’être indépendant ». Impossible de faire pression sur lui explique-t-il. La création de la Tribune de l’Art a d’ailleurs été mue, dès l’origine, par une ambition simple : celle d’un journalisme engagé, « sans langue de bois » comme l’affirme Didier Rykner, un journalisme libre de tout lien de dépendance à l’égard d’un quelconque financier. Son fondateur affirmait ainsi en 2015 :
« De plus en plus de journaux dépendent de groupes puissants comme Arnault, Lagardère, Bouygues, qui ont des intérêts énormes dans diverses activités, dans l’industrie ou le bâtiment, et qui tiennent les deux bouts de la chaîne. Par exemple, Arnault détruit des immeubles de l’ancienne Samaritaine. Comment voulez-vous que les journaux qui lui appartiennent soient critiques ? Dans ce contexte, il n’est alors plus question de défendre l’intérêt du patrimoine… Le phénomène est le même avec les expositions : lorsque les journaux sont partenaires, il ne faut pas attendre qu’ils en livrent une analyse objective… »[1]
Un tel constat ne surprend vraiment personne : que des liens et intérêts unissent en effet médias et grandes fortunes n’est un secret pour personne, pas plus que les conséquences sur les lignes éditoriales de ces médias.
L’indépendance financière et institutionnelle de Didier Rykner, quant à elle, ne semble pas en question. Pourtant, l’argent ne tombant pas du ciel – le média ne touche aucune subvention de l’Etat – et le journalisme spécialisé n’étant pas réputé très rentable, on est obligé de s’interroger sur les ressources financières de La Tribune de l’Art. La difficulté de Didier Rykner à réunir 5000€ pour traduire son site en anglais en est d’ailleurs une bonne illustration.
Les revenus de La Tribune de l’Art reposent donc principalement sur ses abonnements et la publicité. Selon Le Monde, en 2021, le média en ligne rassemblait 4000 abonnés, soit un chiffre d’affaires annuel de 320 000€. Pour compléter cette somme, Didier Rykner fait donc régulièrement appel à la publicité et à des souscriptions. En novembre 2022, il appelait ainsi ses lecteurs à faire des dons à La Tribune de l’Art pour garantir son indépendance. Il affirmait ainsi : « l’argent récolté nous permettra de conserver notre indépendance en réduisant la proportion des revenus publicitaires […] qui peuvent parfois aussi disparaitre quand nos articles contrarient certains annonceurs ». Pourtant, selon nos sources, le son de cloche est un peu moins reluisant. Les besoins financiers de Didier Rykner le rendraient en réalité assez servile à l’égard de ses payeurs.
On remarquera ainsi le traitement étonnamment élogieux que ce dernier a réservé à l’Hôtel de la Marine depuis sa reprise par le Centre des Monuments Nationaux (CMN) : la verrière de la petite cour n’a ainsi été critiquée que très timidement en avril 2017 là où d’autres gestes architecturaux modernes et bien moins importants ont ailleurs déchainé les foudres de Didier Rykner[2]. Ainsi, tous les articles de Didier Rykner ayant trait à ce sujet ont omis de mentionner cette verrière, là où, au château de La Barben par exemple, quelques aménagements réversibles ont provoqué la publication de treize articles. Le 13 mai 2018, il affirmait même que les travaux de l’Hôtel de la Marine étaient menés « d’une manière très satisfaisante, en respectant l’histoire du monument et en suivant des principes qu’on aimerait voir appliquer ailleurs » : la prouesse de cet article étant de ne même pas mentionner la fameuse verrière dans le corps du texte mais seulement dans une modeste note de bas de page.
Un tel deux poids, deux mesures est confondant. Cela étant, nous ne pouvons être surpris du traitement de faveur dont jouit le CMN : le CMN semble en effet acheter un nombre conséquent d’espaces publicitaires à La Tribune de l’Art. Le Centre des Monuments Nationaux a également eu l’intelligence d’inviter à au moins deux reprises Didier Rykner à visiter le chantier de l’Hôtel de la Marine. Comme nous l’indiquions dans notre dernier article, le Louvre Abou Dhabi qui n’a pas pris ce même soin en a directement subi les conséquences. Contrairement à ce qu’affirmait Didier Rykner en novembre dernier, son indépendance ne parait donc pas absolue. Et le CMN semble l’avoir bien compris.
De même, selon nos sources, certaines associations ou organismes préfèreraient volontiers acheter la paix en payant quelques espaces publicitaires chaque année : ce serait le cas, par exemple, des Amis du Louvre qui auraient dépensé environ 5000€ annuels en publicité à La Tribune de l’Art pour éviter d’être embêtés. Combien d’autres ?
La belle vertu d’indépendance dont se pare Didier Rykner semble donc un peu moins admirable que prévue. Si toutes nos informations sont avérées, cela confirmerait la qualité d’idiot utile du patrimoine que nous avons précédemment attribuée à Didier Rykner : le Louvre, les châteaux de Versailles, Chambord ou de La Barben seraient donc bien avisés de verser quelques deniers à La Tribune de l’Art pour assurer leur tranquillité.
[1] https://www.jesuisfrancais.blog/2015/09/19/culture-%E2%80%A2-didier-rykner-la-classe-politique-est-devenue-inculte/ [2] https://www.latribunedelart.com/l-hotel-de-la-marine-ouvrira-au-public-en-2019 : « La seconde cour sera coiffée d’une verrière et transformée en billetterie et lieu l’accueil du public. Cette verrière est-elle indispensable ? Ce n’est pas évident. Quoi qu’il en soit, elle sera disposée entre le deuxième et le troisième étage afin de rendre au bâtiment les proportions qu’il avait au XVIIIe, avant son élévation et plusieurs extensions ajoutées au XIXe siècle. »
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